Guesnain

Guesnain

dimanche 22 février 2015

EN 1866, LE FORAGE DU PUITS SAINT-RENÉ À GUESNAIN A DONNÉ LIEU À DES DÉCOUVERTES INSOLITES COMME DES DENTS DE REQUINS. MONSIEUR JULES GOSSELET EN A TIRÉ UNE ÉTUDE FORT PRÉCIEUSE

Observations sur les couches de la craie traversées  par le puits Saint-René à Guesnain, près  Douai,


Par Monsieur Jules Gosselet, membre résidant,

Conférence donnée devant les membres de la Société des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille. 

"En demandant aujourd'hui l'honneur de vous entretenir quelques instants j'éprouve un certain embarras en raison de la difficulté du sujet que j'ai à traiter devant vous. Si la géologie intéresse tout le monde lorsqu'on parle de des lois générales, lorsqu'on étudie les phénomènes de la nature actuelle pour remonter ensuite aux causes qui ont présidé à la formation de notre globe, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit de la géologie pratique ; il faut être du métier ou aspirer à le devenir pour s'intéresser à la nomenclature des assises, des couches, des couchettes, des couchinettes ( le terme se dit s'il ne s'écrit pas encore) dont l'ensemble forme une de ces unités géologiques désignées sous le nom d'étages.
C'est là du reste un fait commun à toutes les sciences de la nature : tout esprit éclairé, ne connaît l'ensemble, mais pas un, eût-il l'universalité d'un Humboldt, ne pourrait en saisir tous les détails. Ces détails sont cependant nécessaires ; ce sont les matériaux de l'édifice. En vous faisant pénétrer à l'instant dans un atelier où on les façonne, je compte pour mériter votre attention sur cette circonstance que je parlerai de notre pays. Il s'agit d'expliquer des mots que la plupart d'entre vous ont entendu sans en connaître peut-être la signification. Demandez à un mineur quelles sont les couches qu'on traverse pour arriver au charbon ; il vous parlera de gris, de bleus, de dièves, de fortes toises, de tourtia. Qu'est-ce que désignent tous ces noms dans la science géologique ? On ne le sait guère.
Toutes ces couches appartiennent à l'étage de la craie. Monsieur Meugy les range dans les systèmes senonien et nervien, noms qui ne signifient rien par eux-mêmes et sur l'application desquels on discute depuis qu'ils sont créés.
Si je venais vous dire que la bataille de Mons-en-Pévèle  fut livrée au XVIe siècle, vous trouveriez la date trop peu approximative et bonne à peine pour un élève de l'école primaire, mais si j'ajoute qu'elle eut lieu sous le règne  de Philippe-le-Bel alors que Guy de Dampierre été comte de Flandre, la précision devient plus grande et beaucoup d'entre vous s'en contenteraient.
Nous agissons de même en géologie, c'est bon pour les débutants qu'il suffit de dire que la pierre à chaux de Lezenne appartient à l'étage de la craie, ou si vous voulez au siècle de la craie en entendant par siècle une période de temps indéterminée. Si on veut préciser, il faut ajouter qu'elle s'est déposée sous le règne de la craie marneuse, et lorsque le Micraster cor testudinarium vivait dans les mers du Nord de l'Europe. Vous savez aussitôt que cette craie de Lezennes est contemporaine de la craie où sont ouvertes toutes les carrières de pierres de taille de Rouen à Quillebœuf, de celles qui forment les falaises entre Dieppe et Étretat de Cuiveri Planer des Allemands, etc.
Après cette digression destinée à montrer ce que l'on entend en géologie par fixer l'âge d'une couche, je reviens à mon sujet en vous disant que la position des diverses roches désignées sous le nom de dièves, gris, bleus, etc., n'a pas encore été déterminée exactement. J'ai bien essayé de le faire en 1858 et 1863, mais d'après des analogies plutôt que d'après des faits observés, car personne ne s'était encore occupé de recueillir couche par couche les fossiles que l'on devait rencontrer dans les nombreux puits creusés pour nos houillères . Aussi ai-je saisi avec empressement la première occasion qui m'a été offerte de suivre un puits de mine. 

Depuis deux ans je vais tous les 15 jours à Guesnain, village situé à 5 km de Douai, sur la route de Bouchain. Grâce à la complaisance de Monsieur Vuilemain et  Agniel, Ingénieurs de la Compagnie d'Aniche, qui ont donné à leurs ouvriers l'ordre de me fournir tous les documents utiles et qui ont complété par leurs observations les lacunes qu'il y avait dans les miennes, j'ai pu enfin arriver à des déterminations assez précises. 
L'intérêt de l'étude ne se borne pas à faire savoir ce que signifient les noms des ouvriers mineurs, elle nous permet de résoudre des questions plus importantes.
La craie qui affleure aux environs de Lille appartient à  la partie moyenne de l'étage dont les parties inférieures se montrent à découvert au sud-est dans l'arrondissement d'Avesnes et au nord-ouest dans le Boulonnais. Les apparences qu'elles offrent dans ces deux contrées sont différentes ; les roches de même âge  n'ont pas la même composition, et par cela même que les sédiments étaient très différents, les animaux qui vivaient sur ces deux rivages voisins et contemporains n'appartenaient pas en général aux mêmes espèces. Ainsi, tandis qu'entre Boulogne et Calais se déposait de la craie légèrement marneuse dont les blocs sont éboulés en si grande quantité au pied du Blanc-Nez, aux environs de Landrecies, le fond de mer se remplissait d'argile bleue très pure et très plastique.
Dans la première localité pullulait un bivalve l'Inoceramus labiatus dont on y retrouve les débris ; tandis que dans la seconde il n'est pas resté une seule trace d'êtres vivants ; près de Maubeuge, ou l'argile est déjà moins pure, elle renferme surtout les osselets pétrifiés d'un animal voisin de la sèche Belemnites  plenus montrant ainsi réunis les caractères des deux localités extrêmes. C'est la roche à laquelle les mineurs donnent le nom de dièves.


VUE EN COUPE DES DEUX FORAGES DE LA FOSSE SAINT-RENÉ
Parmi bien des faits remarquables je vous signalerai le suivant :  : À 147 m, le puits a atteint un filon oblique qui ne sort des travaux qu'à 172 m. Jusqu'où  continue-t-il en bas ? Jusqu'où remonte-t-il en haut  ? Nous ne le savons pas. Il a 0,40 m de large et est formé de fragments de craie et de nombreux grains verts de glaucomie agglutinés par un ciment calcaire cristallin ; c'est évidemment la place d'un ancien tuyau par où sortait une source thermale.
Je dois vous indiquer aussi à 100 m de profondeur une petite couche de 20 cm d'un calcaire très dur rempli de serpules, de dents de requins carnivores (Corax), de requins herbivores (Ptychodus), de coprolithes provenant de ces animaux, de bois en partie pyritisé.
Je n'insisterai pas sur les autres détails ; on les trouvera dans le tableau ci-joint ; je n'indiquerai pas non plus toutes les conséquences que l'on peut tirer de ces observations. J'attendrai pour le faire d'avoir suivi les travaux de quelques autres puits, afin de pouvoir compléter et contrôler celles que je présente aujourd'hui."

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