Guesnain

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vendredi 20 mars 2020

Les Polonais en France, et singulièrement à Guesnain, un article du Journal de la ville de Saint-Quentin du 11 avril 1914







Voici l'extrait de la page évoquant les Polonais à Guesnain et plus généralement en France :








Les Polonais en France


Si peuple nous fut jamais sympathique, c’est bien le peuple polonais. En 1831 et en 1863, les révolutions et révoltes de Pologne dispersèrent une masse de Polonais par tout le territoire français. La plupart sont devenus Français et bons Français. Il est vrai qu’ils appartenaient à l’élite de la population et que élevés dans des idées françaises ils étaient rapidement assimilables.
Tandis que le mouvement d’émigration qu’étudie dans le « Temps » M. Henri Vimard est tout à fait démocratique et populaire. Il est causé par la raréfaction de la main-d’œuvre. Des cultivateurs de l’Aisne ont employé des Polonais. Ceux que nous avons interrogés n’en étaient qu’à moitié satisfaits. Ils les trouvaient butés, querelleurs et trop souvent ivrognes. Peut-être étaient-ils mal tombés. Peul être aussi la difficulté de se faire comprendre d’eux amenait-elle des conflits qu’une simple explication aurait dissipés. L’émigration populaire polonaise s’est produite d'abord en Westphalie, dans les centres miniers : Bochum, Essen, Dortmund ; on estime que la Westphalie compte au minimum 475,000 Polonais; des prêtres les ont suivis qui s’efforcent de les retenir autour de l’église et conscients de leur nationalité au milieu de l’océan germanique et socialiste; syndicats professionnels et confessionnels, sociétés coopératives, banques, bibliothèques, journaux, tout est mis en œuvre ; mais l’école polonaise est interdite, l’école allemande strictement obligatoire, la langue persécutée. C’est la continuation de l'oppression polonaise par la Prusse. Aussi, la nécessité seule les retient. Ceux qui ont assez d'argent vont en Amérique, où ils sont plus de trois millions et jouissent de toutes les libertés.

Pour les autres, la France était là tout près, la France à laquelle les rattachait une ancienne tradition de sympathie, le souvenir des légions de Napoléon et de la création du grand-duché de Varsovie, vers laquelle les attiraient aussi la communauté de religion, la réputation de richesse du sol et d'hospitalité de l'habitant. Des négociations furent entamées avec plusieurs compagnies minières en 1909, et à l’heure actuelle, les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais renferment environ quatre mille Polonais répartis en grosses colonies et travaillant aux mines de Nœux et d'Aniche, de Béthune et de Lens. Sur 10.000 ouvriers employés par les mines d’Aniche, on compte 600 Polonais. Au moins 100 familles sont installées à Barlin, dans le Pas-de-Calais, plus de 150 à Lallaing (Nord), 50 à Guesnain, 50 à Béthune, autant à Lens et plus d’un millier de célibataires un peu partout. Le gros bourg de Lallaing. à 8 kilomètres de Douai, sur la route de Saint-Amand, avec ses 1.400 Polonais sur 4,500 habitants, est l’agglomération la plus importante et la plus intéressante.

Les compagnies minières les traitent bien. (Elles ne leur reprochent que d’être un peu lents et moins aptes que les Français à certains travaux qui exigent de la délicatesse de touche ; par contre, ils excellent dans d’autres, comme le boisage.


Habitués à être persécutés et détestés, ils sont parfois méfiants et ombrageux : les bons procédés les guériront. Les relations médiocres au début avec les Français, soit dans les villages, soit sur les chantiers, se sont améliorées : venus d’Allemagne et sujets allemands, ces Slaves ont d’abord été suspects à une population très française de cœur, même quand elle se dit internationaliste, fuyant la Prusse, ils souffraient de s’entendre traiter de  "sales Prussiens" . Ils ne savaient pas qu’il n’est point de cas technique et politique plus difficile à comprendre pour des Français que le leur. De leur côté, après une période de malaise physique causé par le changement de régime, les nouveaux venus de tous âges se sont acclimatés : des hommes de quarante-cinq ans sont allés à l’école prendre des leçons auprès des instituteurs ; on en trouve qui parlent aujourd'hui convenablement. Ils sont satisfaits d’être en France et ne regrettent rien ; les enfants, tracassés autrefois à l'école allemande, sont curieux et s'amusent de tout ce qu'ils voient ; s’ils ne frayent guère avec les petits Français, c’est faute, sans doute, de bien se comprendre. Politiquement ,ils sont calmes et le socialisme n’a pas de prise sur eux. Il n’y a encore eu depuis trois ans et demi qu’un mariage mixte, et telle est la force de la race qu’il ne faut peut-être pas souhaiter qu'ils se multiplient, sous peine de voir des enfants plus Polonais que Français, car la force de la race est telle que l’assimilation paraît impossible. Cependant, ils détestent cordialement les Allemands et se déclarent prêts à défendre leur patrie d’adoption contre un ennemi commun. Ils ont, chose curieuse, le culte de Jeanne d’Arc et sont d’excellents catholiques.  
On sait aussi que les compagnies minières ont fait venir des Kabyles d’Algérie. On nous a demandé ce qu’il en était. Le climat ne leur convient pas et leurs mœurs ne conviennent pas aux habitants. C’est un essai malheureux, tandis que les Polonais finiront par se faire accepter, complètement.

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