
Une grève s’est déclarée dans les bassins houillers du département du Nord. Dans le principe, aucun désordre ne s’était produit. Malheureusement, les choses ont pris avant-hier, une autre tournure.
A Anzin un commencement de troubles a dû être réprimé par les troupes. Le Sous-préfet de Valenciennes s’était rendu sur les lieux. Un régiment est parti de Paris avec tentes et vivres pour renforcer les troupes. Le 24 au soir, à Denain, des émeutiers ont tiré des coups de feu sur la troupe qui a riposté. Un mineur a été tué. Les autres se sont enfuis. On a fait 40 arrestations, la nuit a été calme — Les mesures les plus sévères sont prises pour garantir et assurer la liberté des ouvriers qui désirent travailler. Le président de la République a écrit, à ce sujet, une lettre très énergique aux préfets et aux généraux. M. Thiers leur recommande, tout en respectant la liberté des ouvriers qui ne veulent pas travailler, d’assurer celle de ceux qui veulent travailler. L’attitude des grévistes à Billy-Montigny et à Hénin-Liétard est très calme. Il y a sur différents points de forts détachements d’infanterie et de cavalerie, plus une compagnie de gendarmerie mobile venue des environs d'Hazebrouck. Trois compagnies d’infanterie stationnent à Aniche. A Dorignies, l’Escarpelle, etc., se trouvent des troupes venues de tous les points du département. Elles sont placées sous les ordres du général commandant le département. M. le préfet, M. le général commandant la division par intérim sont à Douai.
L'Indépendant de Douai rapporte que les grévistes de Notre-Dame forcent les ouvriers de Gayant à se rendre avec eux à la fosse de Dechy, puis à celle de Guesnain, et font remonter tous les ouvriers qu’ils obligent à se joindre à eux. Nous lisons, en outre, dans le journal le Pas-de-Calais ce qui suit sur la grève dans ce département : « J’apprends de source certaine que Nœux et Annezin sont tranquilles. Les mineurs de Marles travaillent depuis ce matin. Lens travaille aussi. »
Le lendemain dans le Constitutionnel, on trouve les mêmes informations ainsi que d'autres sur la situation dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, à partir d'une note émanant de la préfecture du Nord adressée aux journaux de Lille
Troubles dans le Nord.
"La préfecture du Nord communique la note suivante aux journaux de "Lille :
« Depuis deux jours des grèves nombreuses se sont produites dans le bassin houiller de Valenciennes à Douai, notamment à Denain, Lourches, l'Escarpelle, Dorignies, Aniche. Sur plusieurs points la grève a conservé un caractère pacifique et les ouvriers commençaient à rentrer dans les fosses et à reprendre leurs travaux. Hier la situation s'est aggravée : des bandes d'ouvriers venant des environs de Douai se sont portées sur les mines où le travail avait repris afin de forcer les mineurs à faire grève. Dans la-journée une bande de 1.200 ouvriers venue à Aniche a été refoulée sur Douai par le sous-préfet et trois compagnies d'infanterie ; un peu plus tard une autre bande s'est portée de Lourches sur Denain; chargée au trot par la cavalerie, elle a été promptement dispersée après avoir tiré plusieurs coups de feu sur la troupe. ».
Enfin, hier soir, une, nouvelle bande d'environ 800 hommes a cherché à envahir la gare de Denain et à désarmer le poste. Ils ont tiré à plusieurs reprises sur la troupe à coups de feu et à coups de pierre. »
La troupe a fait feu pour se défendre. Un mineur a été tué et deux blessés. Un grand nombre ont été arrêtés. »
Anzin est calme »
Le préfet, le général commandant le département, le procureur général sont sur les lieux. Des troupes en quantité considérable ont été mises à leur disposition et occupent des points, les plus importants. Les mesures prises permettent d'assurer que le désordre, partout où il se produirait, sera promptement et énergiquement réprimé. • »
Le secrétaire général, ..-»
Sazerac. »
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Jeudi minuit.— La préfecture du Nord adresse.les renseignements suivants :
« La nuit du 24 au 25 et la journée du 25 n'ont été signalées par aucun incident sérieux. Les troupes occupent toutes les positions importantes.
» De nombreuses patrouilles de cavalerie parcourent la campagne, autour de Douai et de Denain et.dispersent les bandes qui la sillonnent.— 100 individus ont été faits prisonniers. Le- mineur tué hier est étranger et inconnu. — Dans l'attaque de la gare de Denain, il a sauté à la gorge d'un caporal qui l'a tué raide d'un coup de fusil,.
» Le secrétaire général, » Sazerac. »
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D'après des renseignements qui nous sont fournis, la grève des ouvriers mineurs de Dourges et de Courrières continue.
Elle a gagné les houillères des environs de Douai, nous écrit-on.
Lundi, c'étaient les ouvriers de la fosse n° 4 de l'Escarpelle qui ne descendaient pas. Le lendemain mardi, trois des fosses de la même houillère étaient arrêtées.
Dans les fosses voisines de la compagnie d'Aniche, tous les ouvriers étaient descendus le matin comme d'habitude. A neuf heures et demie, la plus grande partie des mineurs de la fosse Notre-Dame, après s'être concertés au fond, remontent, au jour.
Ils se rendent à-la fosse Gayant, et font remonter tous les ouvriers qui, surpris de cet ordre, croyaient à un accident.
Les grévistes de Notre-Dame forcent les ouvriers de Gayant à se rendre avec eux à la fosse de Dechy, puis à celle de Guesnain, et font remonter tous les. ouvriers, qu'ils obligent à se joindre a eux, les empêchant même d'aller à leurs maisons du voisinage pour dîner.
Ainsi, sans avoir adressé à leurs chefs aucune demande ou réclamation quelconque, quelques meneurs suffisent pour entraîner deux cents ouvriers de la fosse Notre-Dame à se mettre en grève, et à aller empêcher 800 ouvriers de trois autres fosses de continuer leur travail, qu'ils ne demandaient qu'à poursuivre.
Lorsqu'on leur demande ce qu'ils veulent, ils répondent seulement : « Nous ne voulons pas travailler, il est défendu du travailler. »
C'est un mot d'ordre reçu auquel on obéit sans savoir pourquoi.
Aux fosses d'Aniche, le travail a continué et continue ce matin comme d'habitude. II avait, été annoncé hier et avant-hier qu'on viendrait dans la nuit arrêter les travaux d'Aniche. L'autorité, voulant empêcher toute intervention des grévistes, a envoyé dans la nuit tout un bataillon qui est installé dans cette commune, prêt à réprimer toute tentative des grévistes sur les exploitations d'Aniche.
La situation n'a pas beaucoup changé de puis hier, à Billy-Montigny et à Hénin-Liétard. On assure que beaucoup de mineurs de la première de ces deux localités ne de manderaient pas mieux que de reprendre le travail, satisfaits qu'ils sont des concessions faites par la compagnie ; mais ils n'osent pas le faire à cause des menaces proférées cOntre eux.
A Hénin-Liétard, quelques ouvriers sont descendus ce matin. En attendant qu'on se décide à reprendre la pioche, les machines fonctionnent; ventilateurs et pompes d'épuisement font leur besogne comme en temps ordinaire.
Ainsi qu'on pouvait le craindre, la grève de Vicoigne a gagné en partie, nous assure-t-on, la fosse de Nœux. M. le sou's-préfet de Béthune s'est rendu aujourd'hui dans cette localité.
A Marles, un seul puits est en grève et les négociations n'ont pas encore abouti, les mineurs ne voulant pas se contenter de l'augmentation de 10 p. cent qui leur est offerte par la compagnie. Une fosse marche encore. L'arrivée des troupes envoyées dans cette contrée a produit très bon effet : elle empêchera les pressions extérieures ou locales d'entraîner ceux des mineurs qui se contentent de l'augmentation accordée.
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A Lens, les ouvriers sont descendus ce matin à quatre heures, comme d'habitude, dans les quatre puits de cette très importante compagnie.
- Les mineurs ont résisté jusqu'ici aux excitations dont ils ont été l'objet de la part des grévistes. On ne saurait, en effet, s'expliquer la cessation du travail sur ce point, puisque, ainsi que nous le disions hier, la direction a augmenté le taux des salaires avant les événements actuels. Cependant les craintes ne seront absolument dissipées que demain, puisque c'est aujourd'hui seulement que se termine la paie. A Ferfay et à Bruay, le travail continue.
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Aujourd'hui à deux heures, quatorze des mineurs arrêtés à Billy-Montigny comparaissent devant le tribunal de Béthune. Aussitôt après leur jugement, les condamnés seront éloignés du foyer d'agitation et transférés dans une autre maison de justice, celle d'Arras probablement. (Courrier du Pas-de-Calais.)
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Devant. l'attitude des grévistes des départements du Nord et du Pas-de-Galais, le gouvernement ne pouvait, rester indifférent ; le Président de la République a adressé la dépêche suivante au préfet du Pas-de-Galais :
« Versailles, 25 juillet, 2 h. 45. » Président de la République à préfet du Pas-de-Calais. »
J'approuve votre énergie et la promptitude de la répression. » Il faut absolument que ces désordres finissent sans retard. J'ai fait partir un régiment pour Douai, avec des vivres et des tentes. Un second, celui qui fait brigade avec le régiment parti, est prêt à s'embarquer. :
» J'ai cent mille hommes ici et les moyens de répression ne vous manqueront pas.
» La République ne doit pas souffrir de désordre nulle part, surtout le désordre envoyé du dehors par des perturbateurs qui voudraient bouleverser la société européenne ; ce sont des ennemis de la libération du sol que ceux qui, dans ce moment inquiètent les esprits et menacent le crédit de la France.
» Il faut donc tout de suite les réduire par la force et la justice.
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