Guesnain

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lundi 27 avril 2020

Une sorcière devant le tribunal correctionnel de Douai











L'EXPLOITATION DES IMBÉCILES
Une sorcière devant le tribunal correctionnel de Douai
(D'un correspondant


Douai, 31 janvier. — A l'audience correctionnelle qui a été tenue samedi, à Douai, on a assisté à une bien curieuse affaire, à l'affaire de la sorcière de Râches.
Cette intéressante -personne ne ressemble pas, comme on pourrait le croire, à la vieille, très vieille sorcière classique; c'est une femme âgée de trente-neuf ans, la figure coupe-
rosée, le nez assez aquilin, la tête couverte d'un fichu de laine noire.
Elle déclare se nommer Delbassée (Céline), originaire de Lallaing et habitant Râches.
— Quelle est votre profession? demande M. le président Delangre. -
_ Ouvrière.
— Ouvrière, quelquefois, et sorcière dans vos moments perdus. (A cette réflexion du président, la femme Delbassée ricane bruyamment).
Deux femmes, la femme Coppin et la femme Delval, ont eu à se plaindre d'elle.
La première de ces deux femmes trop... crédules, raconte, avec une certaine crainte, que son enfant était malade et que le docteur Dransart, lui ayant conseillé le changement d'air, elle l'avait conduit à Guesnain.
C'est dans cette commune qu'elle a entendu parler de Céline Delbassée, à qui elle a donné en plusieurs fois une somme totale de 175 francs et un « jupon », pour des messes et des simagrées consistant à faire des croix sur des mouchoirs et à attacher « des cordons blancs » au cou et au poignet des malades.
L'inculpée proteste et soutient qu'elle n'a reçu que des sommes véritablement insignifiantes, pour faire des neuvaines implorer le bon Dieu. Elle est allée en Belgique pour y voir un saint dont elle ne sait plus le nom.
— Comment, dit le président, vous ne savez même pas son adresse ? (Rires dans l'auditoire).
Céline la sorcière ajoute que c'est le curé de Doriginies qui a jeté un sort sur la famille Delval, parce qu'il est plus sorcier qu'elle ; elle n'a pas reçu les sommes qu'on prétend et elle demande que le bon Dieu la fasse mourir, si elle ne dit pas la vérité (sic).
Elle explique enfin que pour faire des neuvaines, il faut être accompagnée de quelque chose, d'un mouchoir ou d'un cordon. (Rires).
Le second témoin, la femme Coppin, que ni le président ni le ministère public ne parviennent à rassurer, croit qu'elle a été ensorcelée par la prévenue.
Son mari étant malade, elle a consulté Céline et lui a donné à diverses reprises de petites sommes s'élevant à 300 fr., ainsi que le jupon traditionnel.
Les pratiques des « cordons blancs » autour du cou et des poignets ont été également mises en usage ; Céline y a joint des « tours », de « longs tours » en Belgique et à Somain, pour lesquels il fallait beaucoup d'argent.
Elle disait, en effet, qu'elle avait beaucoup de mal à trouver les personnes qui avaient jeté un sort sur la famille Coppin. Elle s'était rendue un certain jour en Belgique pour y faire un cercle et forcer les sorciers à demander pardon (sic).
La femme Coppin qui, malgré tout, croit toujours au pouvoir surnaturel de l'inculpée raconte qu'elle entendait la nuit dans sa cave des cris et des hurlements. Le témoin imite ces hurlements, ce qui procure à l'auditoire une douce gaieté.
Le tribunal condamne la femme Delbassée pour escroquerie à deux mois de prison et 100 francs d'amende. 

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