Guesnain

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dimanche 29 mars 2020

CONTRE LA VIE CHÈRE L'ÉMEUTE SE DÉCHAÎNE DANS LE NORD, Une manifestation à guesnain, article paru dans Le Petit Parisien du 1 septembre 1911











CONTRE LA VIE CHÈRE
L'ÉMEUTE SE DÉCHAÎNE DANS LE NORDLes manifestants saccagent les marchés 

Les marchands se lamentent
Les municipalités interviennent


Le mouvement de protestation contre la cherté des vivres prend de jour en jour une extension plus grande et les manifestations revêtent un caractère de plus en plus grave. Déjà, dans certains centres, des comités sont en voie de formation, et on organise méthodiquement la grève des consommateurs.

De leur côté, certains commerçants s'abstiennent de paraître sur les marchés, d'autres ferment leur boutique.

Telle est aujourd'hui la situation qui ne peut que s'aggraver encore, en raison des exigences toujours croissantes de la vie.

LE BLESSÉ DE BILLY-MONTIGNY A SUCCOMBÉ


Le malheureux Humbert Dieudonné, blessé à Billy-Montigny, d'un coup de revolver au côté par le boulanger Wills dans les conditions que le Petit Parisien a relatées, est mort ce soir à cinq heures.

Il a succombé à une péritonite.

La femme de l'infortuné  venait de donner le jour, mercredi soir, à un garçon. Le moribond, qui avait déjà la tête perdue quand il apprit la nouvelle, resta presque indifférent. Il regarda fixement son enfant et se retourna dans son lit de souffrance.

On s'attend à ce que des funérailles imposantes lui soient faites.

L'EMEUTE SE DECHAINE AVEC FUREUR A SAINT-QUENTIN 

Saint-Quentin, 31 août.

Le calme de la journée était préludé de tempête.

Malgré la troupe et la police, les manifestants, au nombre de cinq ou six mille, ont pillé et incendié l'épicerie Pluche. Dans les quartiersSaint-Jean,Saint-Martin et rue d'Isle,. ils ont saccagé les boucheries et les charcuteries. La troupe est impuissante et ne peut rétablir l'ordre. On attend des cuirassiers et des artilleurs.

LES BOUCHERS PROTESTENT ET FERMENT BOUTIQUE


Lens. 31 août.

Les manifestations contre la cherté de la vie se poursuivent dans le bassin houiller du Pas-de-Calais. On ne compte plus les cortèges qui défilent ni les meetings qui se tiennent à Lens et dans les environs. La situation s'aggrave de jour en jour. Les manifestations, qui se déroulent bruyamment dans les communes, commencent à devenir inquiétantes. On a brisé les vitres et menacé des commerçants qui ne voulaient de signer l'engagement de donner leurs marchandises aux prix demandés par les protestataires.

Les marchés sont désertés par les marchands de beurre et d'œufs. Les bouchers et charcutiers ont pris, dans certains centres, la décision de fermer boutique, car il leur est impossible de fournir aux prix demandés, étant donné le taux élevé d'achat des bêtes. Ils seront sûrement suivis par leurs collègues des autres communes où se déroulent des manifestations.

Les bouchers, qui s'étaient rendus au marché de Douai, sont revenus, ainsi que je vous l'ai dit, sans avoir acheté et ont annoncé aux habitants qu'ils cessaient la vente.

A Montigny, Rouvroy. Nouméa, Billy-Montigny, Lens, les bouchers ne débitent plus de viande. Ceux de Liévin, vont avoir une entrevue avec les délégués des ménagères. On s'attend à ce qu'ils prennent exemple sur leurs camarades. La région est donc menacée à la fois d'une grève de consommateurs et d'une grève de commerçants.

Arras, 31 août.

Une centaine de bouchers-charcutiers du bassin houiller sont venus ce matin à Arras et aux accents de l'Internationale se sont rendus aux marchés aux veaux et aux porcs, qui se tenait place Victor-Hugo, pour protester contre la hausse des bestiaux. L'un des manifestants portait une pancarte, sur laquelle on lisait ces mots « La boucherie demande la baisse des bestiaux." 
Dès que les manifestants pénétrèrent sur le marché, la police et la gendarmerie assurèrent l'ordre et aucun incident ne se produisit.

Les bouchers-charcutiers du bassin houiller déclarèrent être envoyés par les femmes des mineurs et demandèrent aux marchands de bestiaux et cultivateurs de vendre veaux et porcs à un franc la livre. Les manifestants n'achetèrent pas Après le marché, ils tinrent, au café du Nouveau-Boulevard une réunion au cours de laquelle ils rédigèrent la communication suivante, qui sera remise aux maires de leurs communes, pour attester qu'ils sont venus à Arras.
Les bouchers charcutiers d’Hénin-Liétard, Lens, Billy Montigny, Rouvroy, Drocourt, Mines, Sallaumines, Montigny-en-Gohelle, Avion, Fouquières, Méricourt-corons et communes environnantes, au nombred'une centaine, envoyés par les femmes des mineurs, sont venus ce matin. au marché d'Arras pour protester contre la hausse toujours croissante des bestiaux. Ils entrèrent au marché en chantant l'Internationale, mais furent aussitôt entourés par la police et la gendarmerie. Malgré celte manifestation, les marchands de bestiaux et plusieurs cultivateurs exigeants maintinrent leurs prix élevés.

Les bouchers-charcutiers des communes citées plus haut refusèrent d'acheter. Ils prient les pouvoirs pubics de prendre leurs doléances eu considération.

Les manifestants vont envoyeur au préfet un ordre du jour dans lequel ils demandent la suppression de l'exportation du bétail, la suppression des droits de douane sur les bestiaux étrangers entrant en France, la suppression des trusts concernant la main-mise sur les produits de l'alimentation en général. Ils demanderont aussi la taxe des viandes d'après le cours du bétail.

Lens, 31 août
Les bouchers et les charcutiers des communes de Méricourt-corons, Méricourt-village, Fouquières-lès-Lens, Rouvroy, Sallaumines, Noyelles-sous-Lens, ont pris aussi la détermination de ne plus vendre. Deux fermiers de Méricourt-Corons ont été contraints de vendre le lait 0 fr. 20 le litre. Un grand nombre de manifestants ont assiégé leurs maisons, brisé des car et enlevé des volailles.


Douai. 31 août

Les bouchers de la ville se sont rendus ce soir à l'hôtel ville, pour réclamer protection contre les manifestants. 
M. Demont, adjoint au maire, les a reçus, Il a aussitôt télégraphié à la préfecture pour demander des troupes et il a pris un arrête interdisant les attroupements et les rassemblements pendant le mois de septembre.

A Somain, les bouchers ont décidé de ne plus tuer et de fermer les boucheries. 

Les municipalités interviennent 


Fourmies, 31 août.

M. Coppeaux, maire des Fourmies, a fait afficher 1 avis suivant :

D'accord avec les délégués ouvriers, la municipalité prend l'initiative de concilier les intérêts des consommateurs et ceux des commerçants et herbagers. Les résultats de la discussion seront publiés par voie d'affiches mais les pourparlers engagés ne doivent pas être entravés par des incidents regrettables susceptibles de nuire à la cause légitime des consommateurs.

Maubeuge, 3Ï août.

A la séance du conseil municipal, qui a eu lieu hier soir, les conseillers Poirette et Maillart ont interpellé le maire sur les décisions à prendre pour l'abaissement des prix des denrées, mais celui-ci fit remarquer qu'il s'agissait d'une question purement administrative et que le conseil n'avait pas à s'en préoccuper.

A midi, une colonne de plus de six cents personnes, composée d'ouvriers des usines de Sous-le-Bois, de femmes portant des cocardes et écharpes rouges et d'enfants, s'est présentée à la mairie et une audience fut demandée au maire, qui, d'une fenêtre, harangua la foule, et accepta de recevoir une délégation;

Douze personnes furent désignées. Elles avaient mission de demander l'élargissement immédiat des trois femmes condamnées par le tribunal d'Avesnes et la diminution du prix des denrées.

Le maire répondit qu'il ferait de son mieux pour concilier !es intérêts de tous. Une réunion de cultivateurs devant avoir lieu aujourd'hui, il espérait que des mesures conciliantes seraient prises. Quant à l'élargissement des trois femmes, il ne pouvait rien faire.

Mais la question principale qui préoccupait pour l'instant les manifestants, c'était l'élargissement des trois condamnées. Après l'audience du maire qui dura plus d'une heure, tous les manifestants se reformèrent et partirent sur Louvroil et Hautmont, dans le but de faire quitter le travail aux ouvriers des usines importantes, comme la " Providence » qui en compte près de 2000
 Lorsque la condamnation des trois manifestantes fut connue, une vive agitation gagna tout le bassin de Maubeuge, des délégations de Valenciennes, de Fourmies, d'Aulnoye, de Berlaimont et d'autres lieux de la région, vinrent donner leur appui au comité.

Des protestations s'élèvent parmi la classe laborieuse qui est si dense. Le bruit d'une grève dans tout le bassin circule, si on n'obtient pas la liberté de Mmes Julia Marchand, Zélia Jouniaux et Marguerite Rastrain. La sévère condamnation qui les a frappées est fort commentée dans le public, dont la majorité pensait que la loi de sursis leur serait appliquée.

Hirson, 31 août.

Une délégation de manifestants s'est rendue à la mairie où elle a été reçue par M. Basset premier adjoint, à qui les délégués ont demandé que des taxes soient établies, fixant le prix des denrées de première nécessité.

M. Basset a promis d'examiner cette demande.

A TRAVERS LES ARRONDISSEMENTS TROUBLÉS

Douai, 31 Août.

Dans l'arrondissement de Douai, les manifestations contre la cherté des vivres se multiplient. Précédés de drapeaux et de pancartes aux inscriptions protestataires, plus de mille manifestants, femmes pour la plupart, ont parcouru la ville. Le chant de l'Internationale alternait avec les cris « Le beurre à trente sous, les œufs à deux sous, le lait à quatre sous la viande à douze sous"  Sans attendre, laiteries et boucheries fermèrent leurs portes

Les manifestants se rendirent aussitôt au marché de la place Saint-Amé, mais plusieurs marchands filèrent, emportant précipitamment leurs denrées. Les autres crurent prudent d'accepter les prix qui leur fusent imposés. Les ménagères pillèrent littéralement le marché. En un clin d'oeil, il ne resta plus ni œufs, ni légumes, ni fruits. Soupçonnant que des œufs et du beurre avaient été cachés dans les estaminets, les protestataires visitèrent ceux-ci, puis ils se portèrent devant les laiteries et les boucheries, obligeant beaucoup de commerçants à débiter leurs marchandises au prix qu'ils jugeaient raisonnable. A midi ils regagnèrent leurs domiciles.

Aniche, 31 août.

Des protestataires ont empêché ce matin les bouchers de prendre possession de leur viande à l'abattoir. Plusieurs voitures ont été bousculées, puis dételées, la police et la gendarmerie n'ont pu avoir raison des manifestants, qui étaient en possession de seringues chargées de pétrole destiné à être sur la viande.

Les manifestants forçaient les ménagères à les suivre. L'une d'elles, ayant refusé, fut complètement déshabillée dans sa demeure et entraînée nue dans la rue sur un parcours de 500 mètres.

Somain. 31 août.

2000 manifestants, réunis hier soir ont invité la municipalité à taxer toutes les denrées alimentaires et se sont engagés à ne plus acheter qu'au prix fixé.

Ce matin à 8 heures, précédés de drapeaux pancartes portant ces mots : "Guerre aux affameurs », les manifestants, des femmes en grande partie, aux cheveux parés de rubans rouges, se sont rendus à la gare pour arrêter les marchands venant au marché. Fouillant les paniers, les poches mêmes des voyageurs descendant des trains, ils espéraient trouver des denrées à acheter à des prix imposés. Le marché ne put avoir lieu, les marchands s'étant abstenus sur l'invitation du maire

Les manifestants se rendirent ensuite devant les fermes et les laiteries : " En voilà assez, disaient-ils, il nous faut le beurre à 1 fr. 50 ! "

Divisés en plusieurs groupes, les manifestants parcoururent ensuite la ville en chantant l'Internationale, forçant parfois les ménagères qu'ils rencontraient à marcher avec eux

Avesnes, 31 août.

Le marché de Berlaimont a eu lieu ce matin sans aucun incident. Les transactions ont repris leur cours habituel.

Une réunion de cultivateurs a lieu cet après-midi à Avesnes toutes les communes environnantes avaient envoyé des délégués. Dans la région de Maubeuge, des conférences seront faites par un membre de la C G. T. M. Yvetot.

Cambrai, 31 août.

L'agitation provoquée par le renchérissement des denrées a gagné tout le Cambrésis. De nouvelles manifestations ont éclaté à Caudry et Beauvois, et des troubles se sont produits aussi à Quiévy.

A Escaudœuvres, une foule de trois cents personnes a saccagé la demeure de M. Ramette, cultivateur, qui refusait de vendre son lait à quatre sous le litre Le maréchal des logis chef, Dolle, et le gendarme Lichtfous, de Cambrai, ayant voulu protéger la maison du cultivateur, ont été molestés, et le gendarme Lichtfous a été blessé au visage par un nommé Cannesson, débitant. Vingt-cinq gendarmes de la 2è légion sont venus renforcer ceux de Cambrai. On craint de nouveaux troubles.

EST-CE LE DEBUT DE L'APAISEMENT? 


Valenciennes, 31 août
Les pourparlers engagés entre les délégués des consommateurs et les fournisseurs se sont poursuivis devant les maires. Un peu partout, l'accord se fait et l'apaisement ne peut tarder. Aucune manifestation violente ne s'est produite.

Une arrestation a été opérée à Fresnes, au sujet des derniers pillages. C'est celle d'un nommé Henri Mariolle, brocanteur. Il a été écroué.

Douai, 31 août.

Une manifestation a eu lieu ce soir à Guesnain, et l'on signale quelques actes de sabotage.

Au cours d'une réunion tenue à la mairie d'Aniche entre le conseil municipal et les commerçants ceux-ci ont accordé une baisse sur les denrées de consommation. Plus de 2,000 manifestants attendaient sur la place le résultat de la réunion.


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