M. de Marsilly, directeur général des Mines d’Anzin, a adressé à la date d’hier,23 juillet, la circulaire suivante aux directeurs de divisions : J’ai l’honneur de vous informer que le conseil de régie s’est réuni aujourd’hui et a entendu les rapports qui lui ont été soumis au sujet de la grève de nos ouvriers mineurs. Ce n’est pas sans un sentiment de douloureuse surprise, monsieur le directeur, que le conseil de régie a vu les ouvriers mineurs de votre division se mettre brusquement en grève sans lui avoir fait connaître préalablement aucun grief, sans avoir formulé aucune demande ni aucune réclamation
Les-mineurs savent mieux que personne les avantages nombreux que la Compagnie leur a accordés dans les jours de prospérité, et mieux que personne ils savent aussi quels efforts a faits la Compagnie pour les leur continuer jusqu’à ce jour. Le salaire à la journée, qui depuis dix ans a été l’objet d'augmentations successives, n’a point, été diminué, et s'il a été fait des réductions sur les prix de base de la tâche et du marchandage, elles ont été calculées de telle sorte, qu'en travaillant un peu plus longtemps, l’ouvrier pût gagner dans la quinzaine la même somme que par le passé, soit en moyenne de 4 fr. à 5 fr. par jour, sans compter les avantages accessoires dont il jouit, comme chauffage, instruction, secours du médecin gratuits, etc. Ce n’est qu’en imposant à ses associés les plus grands sacrifices que la Compagnie a pu conserver aux ouvriers cette bonne situation. Il lui est impossible aujourd’hui d’augmenter les salaires, car la concurrence de l’étranger est plus forte que jamais : en Angleterre, en Belgique et en Allemagne, les mineurs ont en leurs salaires très réduits, ce qui permet aux houilles de ces pays d’arriver à très bas prix sur tous nos marchés, aux portes mêmes de nos fosses, et ce qui nous oblige nous-mêmes à vendre à très bas prix, presque sans bénéfice et quelquefois à perte, pour maintenir notre extraction et assurer le travail du mineur.
Le conseil de régie, monsieur le directeur, a la ferme espérance que, mieux éclairés sur leurs véritables intérêts, se souvenant aussi des efforts qui de tout temps ont été faits pour améliorer leur situation, les ouvriers mineurs n’hésiteront pas à reprendre leur travail et leurs habitudes de discipline.
Lorsque l’ordre sera rétabli et le travail repris, si des réclamations me sont adressées, elles seront immédiatement soumises au conseil de régie ; il les examinera avec l'esprit de justice et de haute bienveillance qui est dans ses traditions.
Voici les derniers renseignements que les dépêches de Valenciennes donnent sur la grève d’Anzin : Aussitôt que la nouvelle de la grève de Dechy a été connue, les autorités militaires ont renforcé les troupes qui protégeaient les fosses de la Compagnie d’Aniche. Quatre bataillons ont été distribués à Dechy, à Guesnain et à Aniche. Une tentative contre Guesnain, faite par une bande de grévistes partis de Dechy, a pu être heureusement repoussée et les feux de Guesnain n’ont pas été éteints. . Dans les trois fosses qui sont aux environs d’Aniche, le travail continue à marcher d’une manière normale. Toutefois on n'est pas sans inquiétudes de ce côté et on prend les mesures les plus énergiques pour empêcher l’extension de la grève. En effet, le mouvement très inattendu de Dechy fait beaucoup craindre pour Dorignies et l’Escarpelle. A Dechy, 15 ouvriers seulement sur 300 ont travaillé aujourd’hui ; 217 ouvriers sur 280 se sont rendus à Notre-Dame, qui appartient, comme Dechy, à la Compagnie d’Aniche. Il est fort à redouter que dans toutes les autres fosses appartenant à cette Compagnie, les mineurs ne suivent l’exemple de Dechy. A Denain, tous les ouvriers sont au travail. Mais le bruit court qu’ils ont demandé une augmentation de salaire, déclarant que, si leur demande est repoussée, ils se mettront immédiatement en grève. 300 ouvriers sont descendus aujourd'hui à Haveluy, 67 à Casimir Perier, 51 à Rœulx, 60 à Saint-Marc, 152 à Abscon sur 2,000, 40 à Anzin, 86 à la Réussite, et 50 à Saint-Louis.
Quelques groupes circulent bien encore; mais le calme règne partout. On sait d’une manière positive que des meneurs étrangers, dont on a les signalements, travaillent à empêcher la reprise du travail et à étendre la grève. On les recherche activement. Les arrestations faites hier sont au nombre de 16, mais plusieurs des individus arrêtés ont été relâchés après avoir été interrogés.
Une dépêche de Somain, en date d’aujourd’hui, annonce que soixante-dix-neuf ouvriers sont descendus à la fosse Casimir-Perier, 106 à Rœulx et 88 à Saint-Marc; la descente aux fosses d’Aniche, dites la Renaissance, l’Archevêque et Sainte-Marie, s’est effectuée sans incident. Voici quelques détails qui complètent ceux que nous avons donnés plus haut sur la grève de Saint-Chamond. Hier mardi, un escadron du 19° dragons, de cent hommes et quatre compagnies d’infanterie sont parties de Saint-Etienne pour Saint-Chamond : . Deux des quatre compagnies ne sont allées que jusqu’à Terrenoire et sont revenues dans la matinée. La grève a gagné toutes les ouvrières en lacets, tissus élastiques et moulinages. Tous les ateliers sont fermés, les patrons ayant voulu suivre la mauvaise fortune de quelques-uns de leurs confrères mis d’abord en interdit. Le nombre des grévistes s'élève à environ 5,000.
La même dépêche paraît le même jour dans les journaux suivants :
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