Guesnain

Guesnain

lundi 30 mars 2020

Grève des mineurs, réunions et manifestations à Guesnain, le Parquet à Guesnain, un article paru dans le Réveil du Nord du 22 avril 1906









BASSIN DU NORD

Lundi à 4 heures du soir, salle Mocq, à GUESNAIN. Tous les mineurs de Guesnain et des environs sont instamment d’assister à cette réunion.

Charges nombreuses
Invasion de troupes 

Pendant la soirée de vendredi et pendant la nuit de vendredi à samedi, de nouvelles troupes arrivaient à Douai pendant que d autres ne faisaient que passer se rendant dans le Pas-de-Calais. Deux escadrons du 19e chasseurs à cheval ont été dirigés sur Sin-le-Noble ; deux compagnies du 16è chasseurs à pied ont été dirigées sur Guesnain et Dorignies. Dans la soirée de samedi, l’arrivée et le passage de troupe n’ont point cessé. Ce fut d’abord le 3e cuirassiers de Vouziers, qui se rend à Lens ; puis du 162e, puis d’autres cuirassiers et d'autres compagnies d’infanterie alternant avec des escadrons de cavalerie. Le service d'ordre a été considérable ment renforcé dans le bassin d'Aniche. Pendant la nuit de vendredi à samedi de nombreux et importants détachements du 15e d’artillerie ont gardé tous les chemins donnant accès du bassin de l’Escarpelle au bassin d’Aniche. Néanmoins, un certain nombre de grévistes parvinrent à franchir les barrages et à se joindre aux amis de Sin-le-Noble d'où ils se rendirent à Guesnain où d’autres frères de misères se joignirent à eux. Les opprimés de Guesnain ont enfin secoué le joug de la Cie et compris leur devoir. Au nombre de près de 1.000 ils se rendirent à la fosse Ste-Marie à Auberchicourt. Là commencèrent les brutalités des soldats. Ceux-ci sous les ordres de quelques galonnés, chargèrent les grévistes sans aucune provocation et sans qu’il y eut le moindre trouble. Naturellement les gendarmes ne restèrent pas en arrière et leurs brutalités soulevèrent l’indignation d’un ouvrier mineur de Guesnain, le nommé B..., qui oublia que, quoi qu'ils fassent, les gendarmes ont toujours raison. B... fut amené à Douai, conduit au Parquet puis écroué. Devant ces charges, les grévistes se dispersèrent puis se reformèrent route de Valenciennes. De nouvelles charges eurent lieu et les grévistes furent repoussés jusqu’à l’intersection de la route de Masny et d’Erchin. à plus de trois kilomètres de Ste-Marie 
Un certain nombre de grévistes se sauvèrent à travers champs ; quelques-uns plus fatigués se réfugièrent dans un estaminet. Ils étaient quatre ou cinq : quel danger pour la sécurité publique ! L’estaminet fut pris de force par les gendarmes qui avaient mis pied à terre, mais hélas ! leur excès de pouvoir ne fut pas récompensé ; quand ils purent entrer, l’estaminet était vide. A la fosse de Sessevalle près de Rieulay, quelques centaines de grévistes qui voulaient manifester ont été dispersés par des charges de cavalerie. De tous côtés, les gendarmes n’ont pas ménagé les horions et de nombreux mineurs que nous avons vus portent des traces de coups violents sans compter un grand nombre de vêtements déchirés. Détail à noter : aucun gendarme, aucun soldat n’a reçu le moindre coup. Où sont donc les brutes ? 

Inspection de troupes 

Vendredi matin, le général Robert, commandant la place de Lille, avec le Iieutenant-colonel du 1er de ligne et le capitaine de gendarmerie Ducroquet, de Douai, a passé l'inspection des troupes qui sont dans le bassin. Le général Robert, a repris à Douai le train de 3 h. 59 ; il était accompagné du général Herment, commandant l'artillerie du 1er corps d’armée. 

Le Parquet à Guesnain 
ARRESTATIONS ARBITRAIRES 

A deux heures le Parquet, composé de MM. Bottin, juge d’instruction : Cauwès, substitut et Saudemont, commis greffier, s'est rendu à Guesnain. Le porion Lekief, que les grévistes ont ramené hier à Dorignies a été longuement interrogé. Le Parquet a procédé à des constats de bris de quelques carreaux. Il se pourrait que des arrestations seraient opérées pour ces faits. Voici à propos de l'affaire Lekief, des renseignements précis : 
Dans la soirée de vendredi, les grévistes qui revenaient de Guesnain auraient forcé le porion Lekief, demeurant à Guesnain, à revenir avec eux. Il porta le drapeau le long de la route en revenant par Sin-le-Noble. Arrivés à Dorignies les gardes voulurent délivrer le porion prisonnier volontaire, une bousculade s'en suivit et les 3 gardes vinrent à bout de plusieurs centaines de grévistes. On voit de là la violence des ouvriers que trois gardes réduisent à l’impuissance. Différentes dénonciations furent faites ; tant sur les déclarations de Lekief que sur celles d'autres personnes et ce matin des mandats d’amener furent décernés contre Louis B.., âgé de 29 ans ; Charles J..., âgé de 30 ans et sa femme Philomène D..., 28 ans ; Jules L..., 34 ans et Dieudonné L.., 4S ans. tous demeurant à Dorignies. 
Ces mandats furent transmis au brigadier de gendarmerie de Dorignies qui usa de ruse afin d’éviter un conflit et au lieu de déclarer nettement aux gens qu’un mandat d’amener était délivré contre eux, leur dit que le Procureur de la République désirait tes interroger. La ruse réussit et un par un tous se rendirent à Douai ou on leur signifia le man dat décerné contre eux.

De midi à 7 heures, les inculpés furent tenus en observation. Ainsi que nous le disons plus haut le Parquet qui s’était rendu à Guesnain croyait trouver Lekief expirant. Leur stupéfaction fut grande quand on leur indiqua la victime, et quelle victime, occupée dans son jardin. Le rôle du Parquet, devenait délicat et les arrestations étaient des moins motivées. Lekief fut examiné : il porte quelques ecchymoses, preuves de violences plus que légères, L’homme que les grévistes ont massacré se portait à merveille et des arrestations sont faites, grâce à un rapport plutôt fantaisiste.
A 7 heures, le Parquet a suspendu l’instruction pour la reprendre à 8 heures et demie. Une démarche a été faite près de M. le sous-préfet pour obtenir la mise en liberté des accusés : le représentant du Gouvernement est absent. 
A 8 heures et demie. l'Instruction a repris son cours ; Il y a eu confrontation entre les inculpés qui nient toute participation aux faits relevés et différents témoins. 
Ces arrestations ont produit une violente émotion à Dorignies où les grévistes furent toujours calmes. Des troubles graves seraient à craindre si ces arrestations étaient maintenues. 

Mise en liberté des inculpés


 En dernière heure, on nous télégraphie : « Les trois gardes de Dorignies ont été entendus. Après confrontation, les inculpés ont été mis en liberté provisoire. L’interrogatoire et la confrontation ont en lieu sans la présence d’un avocat ainsi que le veut la loi.

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